jeudi 16 octobre 2014

Marianne Faithfull - Before The Poison [2005]

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 Une Quête de Glen S. Baster

La bouteille avait roulé au fond de la pièce. Ouais. Mais j'avais parfaitement capté son regard torve. J'avais parfaitement lu dans son œil ouvert. J'avais saisi le message. Cinq sur cinq. "Tu reviendras un jour. Vas-y, essaie de m'oublier, tu ne pourras pas. No way, tu reviendras et je serai là." C'était une vieille histoire entre elle et moi et elle n'avait pas envie que ça s'arrête. Moi si. Désolé sweet heart, terminus, fin du voyage, Me and my bottle c'est fini. Le disque est rayé, bazardé, filé au Garbage man. Mon rayon de soleil était passé par là. J'avais vu la lumière divine. Rédemption, ouais, comme un vieux con de rocker mystique.

Hey ! Je ne pouvais quand même pas tirer le rideau comme ça sans un concert d'adieu. Alors quoi ? Alors je m'étais réfugié dans mon rade préféré. Mon pub de galère. Mon bateau ivre et j'étais bien amarré au zinc. Pour la millième fois j'avais franchi la porte du O'Malley's Bar. Mon tabouret m'attendait. Le comptoir m'attendait. Son ultime pilier pour chavirer. J'allai pleurer dans ma bière.

Derrière le bar, Lucy Jordan me matait du coin de l’œil. Lucy avait vu ma gueule se pointer. Lucy avait saisi le message. Cinq sur cinq. Elle avait lâché le verre et le torchon, elle avait fouillé dans un placard et elle avait posé le disque sur la platine. Spécial Baster. Spécial déprime. Mauvaise rime, good girl. Je savais de quoi elle était revenue. Du haut de son toit elle avait compris des trucs qui m'échapperaient toujours. Elle avait vu ma tronche et elle avait choisi le bon disque. Spécial Baster.

Elle connaissait peut-être les mystères de l'amour mais rien de ça entre nous. Lucy c'était mon ange gardien. Ma bouée quand le bateau ivre chavire. Les secours en mer. La bière me rendait bavard. Je m'étais laissé aller, Lucy savait écouter. Love is crazy, love is blind. "So what Baster ? Tu nous fais chier à te lamenter sur ton sort, bouge-toi putain !" Mes amis ont la fâcheuse manie de vouloir me secouer. Lucy pareil. Je ne voulais pas de pitié, juste besoin qu'on m'écoute. Oh Lucy can you hear me when I cry and cry and cry ?

Non Lucy avait décidé de me secouer. Conneries. Je lui avais raconté mon rayon de soleil, l'admiratrice de Springsteen, ma mystérieuse inconnue. Je lui avais raconté le parfum qui flottait encore dans mon bureau longtemps après son départ. Je lui avais raconté le bruit des pas qui s'éloignaient irrémédiablement. Ouais ouais ouais. Lucy se marrait. Lucy me chambrait. "Alors Baster qu'est-ce que tu nous fais là ? C'est ta crise de la cinquantaine ?" Je ne voyais rien d'autre à faire, j'ai repris une bière.

Le poison coulait lentement dans mes veines. C'était plus facile avant. Avant je buvais mon malt pour ne penser à rien. Maintenant je buvais pour ne plus penser à ça. Lucy se marrait. Lucy sifflotait. Lucy chantait. Down the road came a Junco partner, he was loaded as he can be, he was wobbling all over the street. Impitoyable. Entre deux bières j'avais sorti le bout de papier. Avec la grâce du privé à la recherche de renseignements, j'avais fait glisser le bout de papier vers Lucy. When you remember who I am, just call. Pas de signature mais j'avais reconnu le parfum. Sans l'ombre d'un doute.

"Alors qu'est-ce que tu fous encore là Baster ? T'es un privé non ? T'es pas capable de la retrouver tout seul ?" Trois questions à la suite, c'était trop pour moi. D'habitude c'est moi qui les pose les questions. Ça m'évite de devoir répondre. A la dernière chanson du disque j'avais arrêté de compter les bières depuis un bon moment. J'avais finalement opté pour une position d'où je voyais parfaitement le dessous de mon tabouret. Là-haut le comptoir me narguait, me renvoyant la rutilance de son zinc. Plus haut les spots du plafond me menaçaient mais j'étais décidé à ne rien dire.

J'ai rouvert les yeux au moment où Lucy me déposait sur mon paillasson. Trop tôt pour essayer de comprendre comment elle avait fait. Sacrée Lucy. You're a friend of mine, I love these friends of mine. D'une paire de baffes elle m'a réveillé pour de bon. Elle m'a collé un truc dans la main et a tourné les talons. Sans un mot. Je me souviens du bruit de ses pas qui s'éloignaient dans l'impasse. Je me suis assis comme j'ai pu. Un lampadaire crachait péniblement une lumière minable. J'ai déplié le bout de papier.
When you remember who I am, just call.
Ok. J'avais une tâche à accomplir. Un vrai boulot de privé. Une quête.


01. The Mystery of Love (PJ Harvey)
02. My Friends Have (PJ Harvey)
03. Crazy Love (Marianne Faithfull, Nick Cave)
04. Last Song (Marianne Faithfull, Damon Albarn)
05. No Child of Mine (PJ Harvey)
06. Before the Poison (Marianne Faithfull, PJ Harvey)
07. There Is a Ghost (Marianne Faithfull, Nick Cave)
08. In the Factory (Marianne Faithfull, PJ Harvey)
09. Desperanto (Marianne Faithfull, Nick Cave)
10. City of Quartz (Marianne Faithfull, Jon Brion)



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Till

19 commentaires:

  1. Bien joli texte & bien joli disque...merci de le faire connaitre. Pour ma part je n'écoute plus trop MF, il y a trop d'empathie dans sa voix et ça me flingue un peu le moral...Même pas écouté le dernier et pas lu de critique d'album dans des magazines. J'en reste aussi à Lucy Jordan et ne souhaite pas en ternir le souvenir. Ph

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    1. Ah moi je refuse de rester bloqué aussi loin en arrière. Lucy Jordan a des enfants qui font leur chemin en beauté. Bien joli disque oui, à mon avis un de ses meilleurs et qui me secoue la boite à émotions. Quand la musique me fait c'est bon signe.

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  2. Bon, une belle occasion de Nick cave, Clash (je n'ai pas le The Gang) et bien entendu Marianne.
    J'ai bien apprécié l'angle de vue de dessous le tabouret. Pas à dire, tu aimes bien les climat déglingues et poisseux. Si la musique est le reflet des âmes, le détective va devoir effectivement changer de registre si il veux accrocher une admiratrice de Springsteen. THE BOSS, the Boss peut-être d'un garage, je ne sais pas à quoi cela fait référence mais THE BOSS quand même!!

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    1. Ouais boss de quoi d'abord ?
      Pas sûr que Baster soit capable de changer de registre, ça ne lui ressemble pas. Non son truc c'est plutôt de réussir en restant lui-même.

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  3. J'oubliais d'ajouter que cela fut enfin l'occasion d'écouter ce Marianne Faithfull, tout le plaisir fut pour moi, même si juste le temps de deux morceaux.
    Comme quoi, l'avoir pris il y a dix ans sans vraiment l'écouter, pouvait avoir du sens... juste attendre

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    1. Seulement deux morceaux ? Tu déconnes, va tout de suite écouter le reste et après on parle.

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  4. Tu ne postes pas souvent, mais quel plaisir de retrouver ta plume.
    Le dernier album m'a fait replonger, je me suis fais cinq album d'affilé (dont le Horses & Heels avec le Lou)!

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    1. J'ai à peine effleurer le dernier, deux écoutes dans de mauvaises conditions mais j'ai bien l'intention d'y venir. J'ai toujours un peu de Marianne qui traine pas loin.

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  5. Lucy Jordan donc... Dis-moi, je voudrais pas être goujat mais quand je suis tombé amoureux d'elle (pas seul sur le coup) j'avais 18 ans et elle 37. Quant à toi t'étais même pas majeur, un fantasme devenu fantôme, c'est ça ? Hé ben t'as qu'à picoler un peu plus et tu continueras à en voir des fantômes. Et à leur parler. Ou alors c'est sa petite fille : un truc d'anglo-saxons ça, ils se refilent le même prénom de père en fils, de mère en fille. Mais du coup la petite sur la pochette c'est qui ? Ca se complique.
    Baster c'est définitif, les emmerdes tu les cherches. Là déjà tu l'as échappé belle, ça s'est terminé qu'à coup de baffes mais c'était Before the Poison. Si tu veux savoir comment ça se passe pendant, continue à faire le con avec ton Garbage Man : de grands coups de pompes dans la gueule, et pointues les pompes, c'est le tarif avec la Rouquine.

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    1. Tsss...si tu avais pour deux sous de poésie tu saurais que Lucy Jordan a 37 ans pour l'éternité. Et deux sous de poésie, ça t'élèverait dans la chaîne alimentaire, un peu au-dessus du bulot, juste en-dessous du lombric. Non tout ce que tu mérites c'est un séjour tous frais payés dans une cellule avec Bono et Doherty.

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    2. C'est décidé, je t'envoie le Garbage Man ET la Rouquine.
      Tu peux compter tes râtiches.

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    3. Vas-y balance les, j'ai peur de rien, j'suis un fou moi ! Ou bien c'est juste un fantasme de ta part, tu te la joues mafieux avec des amis qui cassent les genoux de ceux qui te résistent ? Mais j'en ai maté des plus durs que toi. Baster n'a peur de personne.

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  6. J'ai cherché les emmerdes aussi, à une époque.. sur un autre registre.. l'impression que je vais le payer un bout de temps.
    Mais j'avance :D

    Un régal ton billet Till.. comme les albums de Marianne.

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    1. Le mystère Charlu. Un titre de roman ça...

      Bon, on est forcément d'accord en ce qui concerne MF.

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  7. J'étais empli de préjugés sur Marianne Faithful.
    J'ai pas écouté ce disque, mais ton article m'a fait écouter Broken English. C'est très largement recommandable, joli rattrapage pour moi, donc.

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    1. Les préjugés c'est mal. Je le sais j'en ai plein. Mais Marianne c'est bien, il faut l'écouter et pas que Broken English.
      Tiens justement j'ai acheté le nouveau hier.

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  8. Lucy est une chouette femme, du genre à ne pas mâcher ses mots, comme j'aime. Elle méritait bien un passage dans l'histoire de ce cher Baster.
    Signé, La Fille qui préfère Baster aux albums qui rythment ses enquêtes...

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    1. Rhaaa, la fille qui n'aime pas Marianne ! On ne mettra jamais tout le monde d'accord.
      Pas contre je suis d'accord sur la personnalité de Lucy. Il me semble que Baster a besoin de croiser ce genre de femmes et de se prendre un bon coup de pied au cul.

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  9. Un post tous les mois, ça serait quand même pas mal!

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