mardi 15 octobre 2013

Das Kapital - Ballads And Barricades - The Music Of Hanns Eisler [2009]



 A gauche Charlottenburg. Le quartier est plongé dans l'obscurité, on ne devine même pas le Schlosspark au loin. Tout le contraire d'ici. La voiture roule lentement sur le Ku'damm. Ici c'est la lumière crue, obscène. Les néons dégoulinent le long des façades et crachent leurs couleurs. Obscène.

Sur le siège passager Gunter dit Je connais un club rock sympa dans Prenzlauerberg, ça vous dit pas ? Pas de réponse. Gunter dit Alors ? Hans monte le son. La radio dit Saxophone strident, rythmique syncopée. Gunter se tait.

La voiture roule lentement sur le Ku'damm. En arrivant devant la Gedächtniskirche, Hans tourne à droite et passe devant Kadewe. Le temple de la consommation dégouline de néons criards et obscènes. Gunter se tait. Hans monte le son. La radio dit guitare et clochettes tintinabulantes. La radio dit saxophone qui quitte la ligne mélodique. A gauche, Hans remonte vers Tiergarten. Tiergartenstraße, le parc übernachtung. Visite de nuit.

Gunter dit C'est quoi cette musique ? Pas de réponse. Gunter dit Scheiße, c'est quoi ce truc ? Hans monte le son. La radio dit guitare mélodique et saxo fou. La radio dit free jazz sur mélodie classique. Gunter se tait. Gunter regarde la ville défiler par la vitre. Hans conduit en mode touriste. De la Potzdammer Platz il remonte vers la porte de Brandebourg et tourne à droite sur Unter Den Linden. Les tilleuils de nuit c'est l'arnaque, on voit rien.

Gunter regarde les façades bourgeoises défiler par la vitre. Il regarde les trottoirs vides. Gunter dit Qu'est-ce qu'on fout là ? Tu nous fais la visite touristique ? Mû par une idée soudaine, Hans tourne à droite et s'engage dans FriedrichStraße. Direction Kreuzberg. Gunter regarde par la vitre le quartier un peu plus vivant, un peu moins bourgeois. La radio continue sur le mode guitare-batterie-saxo. La radio dit une couche mélodique, une couche libre.

De rue en rue, carrefour après carrefour, Hans remonte au nord, rejoint le bout d'Unter Den Linden, traverse la Spree. L'île des Musées est plongée dans l'obscurité, la masse fantomatique de l'ancien siège du gouvernement de la RDA continue à exposer ses ruines, témoignage pitoyable d'un ancien temps. Karl Liebknecht Straße. Ca commence à s'animer. Sur le siège passager Gunter se détend. La radio dit Hanns Eisler. Gunter se tourne vers Hans. Gunter dit Tu connais ce type ? Hans sourit. Les candélabres régulièrement espacés de Karl Liebknecht Straße font clignoter le sourire de Hans dans la voiture. En rythme avec la batterie.

Gunter frissonne et se tourne vers la vitre. Il regarde s'approcher la tour de la télévision. Il regarde apparaitre Alexander Platz et la masse de la gare, le métro aérien. Il a entendu parler de Fassbinder, pas de Eisler. Hans monte le son. Sur le siège arrière Karl sort de sa torpeur. Karl raconte à Gunter. Karl lui parle de Eisler, de Brecht. Il lui raconte le musicien, il lui raconte l'exil en 1933. Hans tourne à droite et s'engage sur Karl Marx Allee. Ligne droite. Longue, longue, longue. Karl raconte à Gunter la commisson McCarthy, il raconte le retour à Berlin, il raconte Auferstanden aus Ruinen, il raconte Nuit et Brouillard.

La voiture croise la rue de la Commune de Paris. Elle descend Karl Marx Allee et s'enfonce lentement dans Lichtenberg. Elle s'enfonce lentement dans la nuit. Hans monte le son. La radio dit un saxophone qui s'envole librement dans la nuit.

01. An Den Deutschen Mond
02. Ohne Kapitalisten Geht Es Besser
03. Vom Sprengen Des Gartens
04. Die Moorsoldaten
05. Auf Der Flucht
06. An Den Kleinen Radioapparat
07. Lied Von Der Moldau
08. Das Wunderland
09. Hotelzimmer 1942
10. Landschaft Des Exil
11. Elegie 1939
12. Solidaritätslied
13. Mutter Beimlein
14. Einheitsfrontslied
15. Marie Weine Nicht

Line-up :
Daniel Erdmann : Saxo tenor et soprano
Hasse Poulsen   : Guitare
Edward Perraud : Batterie, Percussions

Si vous cherchez un mot de passe, essayez donc downgrade.
Merci aux visiteurs qui laissent une trace de leur passage.
Till

9 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas celui-là... Extra!. Edward Perraud aux percus... héhé c'est que du bon. Merci.

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    1. Ils ont fait depuis un autre disque en adaptant Eisler : Conflicts and Conclusions sorti en 2011 mais je ne l'ai pas celui-ci. Je ne suis pas au fait des parcours des musiciens et je ne connaissais pas Perraud. Du coup une petite recherche sur le net et je vois que ce type est un hyper-actif de la musique. Parmi ses nombreuses participations il y deux ou trois autres trios jazz / free-jazz qui me paraissent bien tentant. Tu connais The FIsh par exemple ou Return Of The New Thing ?

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    2. Je ne connaissais ni l'un ni l'autre mais les deux sont sur spoty (et deezer aussi http://www.deezer.com/fr/album/3704671) et à première vue je préfère Das Capital (plusieurs albums sur spoty -beaucoup d'homonymes-)

      Edward Perraud, je l'ai découvert grâce à notre Zornophage qui avait proposé le génial Synaesthetic trip sur l'Année du Dragon. Et je me suis empressé d'aller le voir en concert. J'en avais parlé là
      http://novaexpressmusique.blogspot.fr/2013/04/ecrtits-sur-le-vent-guillaume-de-chassy.html

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  2. Réponses
    1. De rien. Elle est plutôt touristique la visite, c'était plus facile que de s'enfoncer dans les quartiers moins visités.

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  3. Comme d'hab', un beau billet - et qui donne envie. Je fonce vers l'inconnu... Merci.

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    1. Le blog est aussi prétexte à écrire modestement quelques petits trucs. Étant donné que je ne sens pas l'âme d'un rock critic j'essaie plutôt de raconter ce que m'évoque la musique.

      Tu me diras si ça te plait ce Das Kapital. Comme tu n'avais plus rien à écouter, tu vas pouvoir t'y mettre tout de suite. ;-)

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