samedi 1 juin 2013

Terry Riley - Poppy Nogood... [1968], Diamond Fiddle Language [2005], Aleph [2008]; Gyan Riley - Stream of Gratitude [2011]

Trois albums, aucun classique (pas de In C, par exemple) mais que de la bonne musique pour vanter les mérites d'un compositeur/humain "différent" : Terry Riley
 


Si le minimalisme le plus échevelé ne vous fait pas peur, que l'expérimentation vous réjouit, la pièce ici présente devrait vous ravir au plus haut point.

Enregistré à Buffalo (état de New York) le 22 mars 1968, c'est ce qu'il est convenu un album d'ambient drone soit une musique abstraite dont les résonnances et vibrations oniriques sont censées produire l'effet émotionnel souhaité par le performer/compositeur (une sorte de transe mystique ici, à mon avis). Ainsi, il faudra à l'auditeur mettre son cerveau au vestiaire et se laisser emporter par ces longues et faussement répétitives plages (qui n'en forment en fait qu'une grande) pour qu'une efficacité maximale soit atteinte. Pour parvenir à ce bel effet et à une oeuvre contemplative jusque dans ses abstractions, Terry Riley a recours à un orgue, un saxophone et des boucles qu'il génère lui-même et relaie via un sampler archaïque (le time-lag accumulator) conférant à ses sons une portée quasiment orchestrale, parfois orientalisante (une trademark de Riley) et toujours contemplative.

Très en avance sur son époque et donc toujours d'une vibrante actualité, Poppy Nogood and the Phantom Band All Night Flight, au-delà de la fantaisie de son titre, est une intense expérience que tout amateur de musique contemporaine/avant-gardiste et même (free) jazz se doit de vivre. Une perle.


1. Untitled #1 8:06
2. Untitled #2 8:36
3. Untitled #3 7:44
4. Untitled #4 10:01
5. Untitled #5 5:20


Terry Riley - saxophone soprano, orgue, time-lag accumulator




 
Collaboration avec le bassiste d'avant-garde Stefano Scodanibbio (vu avec des éminences italiennes telles que Luigi Nono ou Giacinto Scelsi) Diamond Fiddle Language est une de ces rares occurrences où l'ermite musical Terry Riley accepte de partager l'affiche, autorise la violation de son "petit" monde si cohérent et si rêveur à la fois.

Enfin, je dis violation, on reste dans l'univers habituel, où se télescopent et s'épousent ragas idiens, free jazz et manipulations synthétiques proto-ambient, d'un (ici co)compositeur ne s'étant jamais vraiment éloigné de sa zone de confort, n'ayant jamais renoncé à des obsessions soniques qu'on croirait ancrées à son cerveau reptilien tant elles lui viennent naturellement... Alors qu'elles sont tout sauf "classiques", comme vous le savez sans doute. Il n'y a donc pas d'exception ici mais une rencontre qui n'a, finalement, pour intérêt que (mais c'est déjà énorme) d'enrichir le spectre sonique d'un nouvel élément qu'à entendre on n'imagine pas ailleurs. C'est dire si la rencontre fonctionne et porte de viables et beaux fruits.

Comme d'habitude chez Riley, seul ou accompagné, l'opus peut soit s'écouter attentivement, intellectuellement soit "musique-de-fond-ement", rêveusement... En découlent deux expériences totalement différentes mais mettant également en valeur la musique ici offerte, cadeau des cieux et d'un duo inspiré.

 
1. Diamond Fiddle Language I 14:50
2. Tritono 12:36
3. Diamond Fiddle Language II 27:01

 
Terry Riley - synthesizer, voice
Stefano Scodanibbio - double bass




 
Chantre d'un minimaliste avant-gardiste, répétitif et ambient, il n'est plus besoin aujourd'hui de présenter ce monstre sacré qu'est devenu Terry Riley. Tout juste rappellera-t-on aux oublieux son légendaire In C, pièce incontournable s'il en fut.

Ici, comme indiqué par lé présence d'Aleph dans la série des Radical Jewish Culture, c'est à des préoccupations "juivo-centrées" que Riley réserve son habituel assemblage organico-synthétique pour un résultat pas toujours très digeste mais diablement attirant. Son synthétiseur, évoquant tour à tour cuivres, cordes ou orgues, en l’occurrence, se substitue aisément à un orchestre (qu’on imagine) mutant pour créer des textures, des ambiances auxquelles il est bon de s’abandonner. Parce que, c’est un fait, si on peut écouter la musique de Riley, on peut et se doit surtout se laisser porter par elle, la laisser vous enrober de ses ouateux attributs où son minimalisme harmonique accomplit le plus efficacement son effet. Et c’est particulièrement vrai ici où des mélopées d’origine moyen-orientales ou est-européennes articulent le trip.

Au final, si Aleph ne viendra pas bousculer la hiérarchie des œuvres de Riley, c’est une bienvenue addition à son catalogue et une référence qu’on ne pourra que conseiller aux amateurs de sa si particulière conception de la musique et d’ambient pas comme les autres.


CD 1
1. Aleph Part 1 45:47

CD 2
1. Aleph Part 2 1:07:48


Terry Riley - synthétiseur Korg trition studio 88



Allez ! Comme je suis d'humeur partageuse, je vous rajoute un album qui n'a rien tout en ayant tout à voir avec la "star" du présent billet :



Comme papa Gyan aime bien jouer seul, comme papa Gyan appartient à ce qu'il est convenu d'appeler le classique contemporain d'avant-garde, comme papa Gyan a sorti un disque chez Tzadik, et un bon !, dont on n'a sans doute pas assez parlé.

Le papa en question, s'appelle Terry Riley. Forcément, quand on est un aspirant compositeur, l'ombre est imposante mais la musique, fort heureusement, est suffisamment différente pour qu'on oublie rapidement cette encombrante filiation. Et puis, alors que Terry aime à triturer les synthétiseurs et les cuivres, c'est à la guitare que Gyan a choisi, grand bien lui en prit.

En l'occurrence, c'est de guitare classique dont il s'agit ce qui réduit notablement les débordements et dissonances possibles mais tel n'était visiblement pas le propos de Gyan Riley qui, sur un canevas plutôt traditionnel, réinterprète/réadapte quelques cannons du genre. Ce n'est pas un hasard si, par exemple, Stream of Gratitude (pistes 1 à 4) est dédié à Jean-Sébastien Bach, on y a souvent l'impression d'entendre la ré-imagination guitaristique et actuelle de Suites pour Violoncelle passées dans la légende et ici brillamment, si indirectement, hommagées. Zonata (for Zoran Dukic) est l'autre grand moment harmonique de l'album, on y retrouve un Gyan plus conventionnel mais pas moins inspiré délivrant une œuvre spacieuse et réflexive de toute beauté. L'autre grand moment... Ca ne veut pas dire que le reste soit de la roupie de sansonnet, non !, tout est bon ici, des fois un peu plus que d'autres, c'est tout.

Je ne connais pas les autres albums de Gyan et ne puis donc dire si cet instant de grâce est une habitude ou un coup de bol cosmique, quoiqu'il en soit, nous tenons là une œuvre de qualité, mélodique et émotionnelle, d'un compositeur/instrumentiste qu'il faudra suivre de près.


Stream of Gratitude (2010)
For J.S. Bach
1. Prelude 3:43
2. Fugue 5:31
3. Sarabande 6:12
4. Gigue 4:08
Four Etudes (2007)
5. The Odd Arpeggio (for Egberto Gismonti) 2:14
6. The Inner Voice (for John Dowland) 2:46
7. Trillémollo (for Augustin Barrios Magoré) 2:16
8. Ipick (for John McLaughlin) 1:01
Zonata (2005)
for Zoran Dukic
9. Spinning in Self-Imposed Exile 6:12
10. Uspavanka for Téa 6:43
11. Tohm Tan 5:55
Irican (2009)
for the Mother Lands
12. Irican 6:20


Gyan Riley - guitar
 
 
PAS D'EXTRAIT CETTE FOIS-CI,
IL FAUDRA ME CROIRE SUR PAROLE !

9 commentaires:

  1. Aleph En 2 parties:
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  2. Je suis pas sensible à Terry mais vraiment l'album de son fiston est magnifique ! Merci pour le découverte !

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  3. Une belle idée, je vais me remettre à jour avec le père, et faire connaissance avec le fils ! Merci Zornophage

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  4. J'ai déjà Poppy Nogood et Aleph mais pas la collaboration avec Scodanibbio, je complète donc.

    Quant au rejeton, je ne le connais pas, ce sera donc la grande découverte. Merci pour ce beau quadruple post.

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  5. Je ne connaissais pas non plus avec Stefano Scodanibbio... beaucoup aimé... merci! Je l'écoute souvent le Stream of Gratitude...

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  6. Superbe...
    & nice blog...
    best from Baku

    http://beyond-the-coda.blogspot.fr/

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    1. Yours is quiet interesting too Palix. Welcome here.

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  7. Je suis un inconditionnel du papa (j'ai déjà tout), un homme qui démontre que la musique est avant tout d'essence mathématique (ceci est valable pour n'importe quel style), l'art étant de s'en accommoder pour créer de l'émotion avec, mais le compositeur ne crée pas pour les autres, il travaille d'abord sa musique pour lui, explorant les multiples et les sous multiples et leurs ramifications, et si le résultat devient une oeuvre (incontournable pour moi), ce n'est pas le but recherché. Riley a visité beaucoup de domaine, toujours en y incorporant sa conception musicale, construisant de longue suite toujours en mouvement, et c'est ce mouvement perpétuel qui est à l'origine de son succès, car il est apparu dans les années soixante lorsque l'éventuel publique était ouvert aux expériences. C'est à ce moment là que je l'ai rencontré, découvrant en même temps la littérature, la peinture, bref une époque heureuse culturellement!
    Et ses diverses productions m'ont toujours apporté ce même sentiment d'aventures, maitrisé, contrôlé, construit avec le même but qui consiste à décliner toutes les possibilités offertes par la conception:création musicale. Il en va ainsi depuis que l'espèce humaine a retranscrit sur du papier et des instruments, ce qui lui semblait être une émanation de son esprit, quel qu'en soit l'origine (paien, religieux, satanique ou autre). Terry Riley avec d'autres de la même école m'a permis de voyager en fermant les yeux, voguant sur ses océans musicaux.
    Mais qu'en est-il de sa progéniture? Bin, je m'attendais à ce récital et si cela reste agréable à écouter, cela ne m'apporte rien, car la guitare classique est un instrument très limité, quel que soit le talent de l'interprète, et des morceaux joués. En tout cas, c'est mon opinion. J'ai l'impression qu'elle fait du surplace, aillant entendu ce genre des milliers de fois. C'est frais, par ces temps de canicule, mais je m'ennuie vite sur ses sempiternels même arpèges. le seul morceau qui trouve grace est Ipick, avec son coté jazzy, mais si court... Quand aux hommages aux maîtres du temps passés, peu pour moi, car rien ne vaut l'original. Donc attendons que la fille nous montre un peu d'originalité, ce qui prouverai qu'elle tient de son père, ce qui n'est pas, avec cette galette, encore le cas (musicalement parlant, bien sur)!
    Un bravo pour le poste, qui propose différentes facettes de la famille Riley.

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  8. Apparemment Gyan Riley est de sexe masculin, mais cela ne change absolument rien à ce que j'ai dit de son travail. (j'ai vu sa tronche sur discogs, aillant fait une co-production avec papa!)

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