dimanche 10 février 2013

Manuel Guajiro Mirabal - Buena Vista Social Club Presents

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La vieille Chevy Bel Air bleu ciel avance leeeeeentement dans la rue. Ralenti, soleil de plomb, poussière. A cette heure de la journée le soleil tape fort sur La Habana. Très fort. Ombres courtes, palmiers au loin, très loin, tout au bout de la calle.

La vieille Chevy Bel Air bleu ciel se gare leeeeeentement le long du trottoir. Feliz s'en extrait leeeeeentement. Tout compte fait, il fait moins chaud dehors que dedans. La Chevy a tendance à chauffer un peu trop. L'âge sans doute, elle est plus vieille que lui. A l'abri sous son panama couleur crème, Feliz inspecte la rue. Pas grand monde à cette heure-ci. Tu m'étonnes. Le soleil matraque, les chromes impeccables de la Chevy brillent sous la lumière, les façades aux tons pastels, délavés par des années de soleil et d'abandon, s'écaillent comme la peau d'un lépreux. Feliz les remarque à peine, ils les a toujours connues comme ça.

Feliz et son panama abandonnent el coche à son trottoir et traverse la calle de la Libertad. Direction la vieille bodega en face. L'enseigne reste accrochée au mur par une opération divine, mais la peinture a rendu l'âme, on ne lit plus le nom de l'établissement. ¿ Quién le importa ? Feliz s'en fout du nom. En s'approchant Feliz entend des rires et des conversations mais quand il pousse la porte il est accueilli par un silence qui dure, dure, duuuuuuure. Une bonne seconde, le temps que les types qui tapent le carton autour de trois ou quatre tables le dévisagent et reprennent leur partie. Une bonne seconde qui lui permet d'enregistrer la scène et de capter la musique. Dans la même seconde il a repéré la radio d'où la chanson se fraie un chemin malgré le brouhaha.

La radio au-dessus du bar. Impec, Feliz veut boire una cerveza et écouter la musique. Ensemble. Trop tôt pour le rhum, Palma Cristal parfait avec cette chaleur. Tabouret de bar, bière, musique. La sueur colle la chemise à sa peau, au plafond un ventilateur essoufflé brasse péniiiiiiiblement la fumée des cigares. Si péniblement que la fumée a fini par noircir le grand portrait du Lider Maximo qui trône au fond de la salle. ¿ Quién le importa ? Feliz s'en fout de Fidel. Feliz veut boire una cerveza et écouter la musique. Ensemble. Feliz écoute la radio qui passe un morceau de Manuel Guajiro Mirabal.

Et Feliz est heureux. C'est comme ça, il le porte dans son prénom. Il aime la bière fraiche et il aime la musique de Mirabal. Mirabal, comme Compay, comme Eliades, comme Ibrahim, c'est el son cubaño, la musique d'ici. El rincon caliente, ah ah ah le coin chaud, tout à fait de circonstance. Les percus claquent, la trompette de Mirabal titille l'échine. Sensuelle.  Para bailar el montuno. Le montuno, l'hommage à Arsenio Rodriguez. Feliz demande au barman de monter le son. Quelques acclamations montent des tables des joueurs de cartes. Ici tout le monde aime ça. Feliz reprend une bière. Feliz boit leeeeeentement. La bière coule, la musique coule. El reloj de pastora. Les joueurs de cartes reprennent le refrain en chœur. Tu reloj, dame tu reloj de pastora, tu reloj. La trompette vrille, les cuivres se déchaînent. Ambiance.

La vieille Chevy Bel Air bleu ciel attend sagement le long de son trottoir. En fredonnant Feliz reprend le volant et démarre en trombe. Les pneus crissent et couvrent les chants qui montent encore de la vieille bodega. Les pneus crissent, la poussière vole. Le soleil matraque sur La Habana.


01. El Rincon Caliente
02. Para Bailar El Montuno
03. Deuda
04. El Roloj De Pastora
05. Me Bote De Guano
06. Mi Corazon No Tiene Quien Lo Llore
07. Tengo Que Olvidarte
08. Canta Montero
09. Chicarronero
10. Medley
11. Dombe Dombe

Si vous cherchez un mot de passe, essayez donc downgrade.
Merci aux visiteurs qui laissent une trace de leur passage.
Till

27 commentaires:

  1. Joli texte de présentation! On s'y croirait! Je plonge! merci!

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    1. Merci Fracas. Vas-y, plonge, mais attention, la musique cubaine est un bain bouillant.

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  2. Ouhouh, brulant !

    Du même avis que Fracas, j'ajouterais même que j'aurais pas dit non pour "un peu plus long" ;)

    Merci !

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    1. Merci Alexandre,

      Plus long j'aurais pu, j'en avais envie. Mais j'ai peu de temps pour écrire, si je me laisse aller je ne publie jamais le texte. Mais ça peut encore évoluer, et puis Feliz à d'autres disques à écouter...

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    2. Yes, c'est tout à fait comme j'osais l'envisager : Feliz comme personnage conteur nous faisant découvrir ses trouvailles... je trouve que ça pourrait le faire non ?!

      Bye ;

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    3. Oui ça pourrait le faire, mais pour rester éclectique dans mes choix il va falloir un peu d'astuce. Feliz qui écoute le Requiem de Kurt Weill ou de la musique industrielle, ça va pas être facile.

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    4. Un Feliz globe-trotter, pionnier du Cuba-export, citoyen du monde, arracheur de frontière, pourfendeur de barrières, détraqueur des catégories et amoureux du bon goût !

      Mais cela dit, tu gardes la main !!

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    5. Yep on verra suivant l'inspiration. J'imagine quand même mal Feliz plongé dans l'underground berlinois des 80's. Mais après tout il suffit de s'engouffrer dans une faille spatio-temporelle, c'est quand même pas difficile.

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  3. Excellente idée de planter le décor, très beau texte, je trouverais ça plus drôle si tu changes de personnage à chaque fois...

    Je n'ai pas échappé à la vague Buena Vista Social Club, vu le film de Wenders et acheté les disques au son magique... La vague est retombée et les écoutes se sont espacées. Je ne connaissais pas celui-ci... Excellent.

    Et toi, tu connais Roberto Juan Rodriguez (le seul cubain dont j'écoute très régulièrement les disques -j'en ai encore acheté un cette année : Oy Vey.....Olé!!!-) ?

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    1. Héhé les avis sont partagés au sujet des aventures de Feliz.

      Effectivement la vague est retombée mais elle a eu le mérite de mettre sous nos lumières des artistes qui restaient confinés sur leur île. Et autant le concept de World Music me laisse de marbre autant j'aime cette musique cubaine, et j'ai besoin de m'en remettre une dose régulièrement.

      Je ne connais Rodriguez que de nom, pas encore eu le temps de m'intéresser à lui. Mais je comprends pourquoi tu le suis celui-ci, il a joué avec Marc Ribot et John Zorn hein.

      Il y a une "nouvelle" vague cubaine intéressante, qui n'a pas oublié el son mais qui a su le métisser avec des genres plus modernes (rap, électro...). Je pense en parler un de ces jours.

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    2. Autant je comprends que l'on puisse rester de marbre à l'écoute d'Autechre autant j'ai du mal à croire le même effet à l'écoute de Bijan Chemirani (iran) ou Steve Shehan/Baly Othmani...
      Il n'y a que la musique qui est susceptible de combler mon désir d'ailleurs... tout en restant sur place.
      A contrario j'ai du mal avec l'hyper représentation de la musique américaine... comme quand la police sonne chez n'importe qui en France et que les gens répondent "vous avez un mandat"!

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    3. Et bien je ne suis pas resté de marbre à l'écoute d'Autechre. Je reviendrai chez toi en parler.
      Merci pour le Roberto Rodriguez dans la dropbox, je m'en vais le découvrir.

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    4. J'aime beaucoup ce que dit Sb sur le rôle de la musique dans notre désir d'ailleurs, et comment elle parvient à le combler. J'ajoute que, me concernant, elle le stimule !

      Et je suis entièrement d'accord pour dire que la sur-présence de la zique amérloque n'a pas le même écho en terme de stimulation. Même si on bon swing de New Orleans fonctionne pas mal !! ou un Stephane Wrembel pour ne pas le citer ;)

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    5. Et je suis d'accord avec vous sur la musique comme vecteur d'échappée et de découverte d'ailleurs. De tout temps et partout l'homme a éprouvé le besoin de composer, inventer, jouer et entendre de la musique. Nous ne faisons que participer à ce grand élan.

      Quant à la sur-représentation de la musique étatsunienne, elle est à mettre en parallèle avec l'hégémonie économique et politique. Même constat avec le marché de l'art occidental qui "se passe" aux USA depuis la guerre.

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    6. Je ne connaissais pas Stephane Wrembel, vraiment extra merci. Je ne reproche à personne le fait d'écouter et d'aimer la musique américaine vu que j'en écoute beaucoup aussi. La culture et la contre-culture américaine est si riche(sans parler du brassage des cultures d'origines européennes)... Tellement riche qu'elle nous accapare. Il est beaucoup plus difficile de planter le décor quand on ignore tout du décor... Je serais incapable de citer un film chinois réalisé par un chinois... Pas étonnant que les solos de pipa de Liu Fang me fassent moins d'effets que ceux de Jimi Hendrix... Heureusement Henri Tournier à la flûte bansuri et Ballaké Sissoko à la Kora ne sont pas loin.

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    7. C'est ça le truc... c'est qu'il y a tant à défaire. Tant de "réflexes" acquis, une base de données infinie sur des cultures (occidentales, donc) assurément riches, mais qui "malgré elles" ombragent et nous éloignent d'autres courants moins canalisables, analysables, exploitables et bankable.

      Cela ne rend les découvertes que plus excitantes !

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    8. En même temps, nous avons de la chance en France. Il y a un grand nombre de productions extrêmement qualitatives... Même si ça passe parfois par New York (Tzadik) Je pense à Mazal, Stabat Akish, Guillaume Perret, Zakarya, Autoryno... Nous avons aussi une belle tradition de métissage qui je l'espère est "bankable".

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  4. J'avais craqué sur la pochette, mais le disque m'avait moyennement emballé; je ne devais pas être dans un bon jour: j'y replonge.

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    1. Salut Jimmy,

      Ah le problème des mauvais jours qui font passer à coté d'un bon disque...Malheureusement j'en ai eu quelques uns comme ça. Heureusement on a parfois une séance de rattrapage.

      Sur le Mirabal, j'aime aussi la pochette, mais le contenu est un petit bijou. Quand ça me file des frissons dans le dos c'est bon signe.

      Tu me diras si cette replongée est salutaire.

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  5. C'est quand même de suite le plus gros défaut qui se détache de ta chronique. Il est tellement imagé que la gorge devient sèche et rien que le nom de "Palma Cristal" que j'imagine - comme dans les pub - avec ses gouttelettes accrochées au verre.
    A part ça j'écoute et j'ai toujours soif.
    Au fait, je profite d'un autre de tes commentaires ailleurs, qui me dira c'est quoi cette idée de combiner Bière et Whisky? Mélangé? L'un après l'autre? Fait passer le feu de whisky dégueu?
    Hey Cambanecaratos, ennoucaro de bibinatosros.... Ben quoi, c'est bien de l'espagnol....

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  6. Une chronique .. il est imagé... ouai bon, ELLE est

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    1. Bière et whisky. Alors d'abord j'ai vu pratiquer ça en Irlande il y a une grosse vingtaine d'année. Un petit verre de whisky au fond d'une pinte de bière.

      Et je l'ai testé aussi à une époque où dans mon frigo on trouvait de la corona. Je ne sais plus pourquoi on achetait cette bière, sans doute victimes d'une campagne de pub/mode. Je trouve que la corona c'est de la pisse d'âne alors je lui rajoutais une dose de whisky pour en faire une boisson correcte.

      Et puis on fait les meilleurs whiskies dans des pays de bières (Ecosse, Irlande), ça va bien ensemble.

      PS : je vois que Monsieur est bilingue en espagnol !

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  7. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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    1. Oops Phil, désolé j'ai supprimé ton commentaire par erreur, une pression mal placée sur l'écran de la tablette.

      Muy caliente en effet, c'est pour ça que la Palma Cristal s'impose.
      A bientôt.

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  8. Salut Till ! De club en club me voici en visite... et premier plaisir pour ce dimanche d'enfin printemps : du soleil et de la lumière cubaine! Ca me rappelle un voyage, un gigantesque boulevard le long de l'océan plein de filles et de guitares, des casas particolares où l'on mange du homard avec les habitants pour 2x rien en buvant des mojitos, et tout le monde qui te joue partout des commandante Che Guevara jusqu'à te saouler (c'est le cas de le dire)... Merci pour ces réminiscences de vacances et cette trompette endiablée ! :)

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    1. Salut MetiZ et bienvenue ici

      Tu as vu Cuba, La Havane, moi je me suis contenté de la fantasmer mais c'était pour le plaisir d'écrire sur cette musique qui me file des frissons de plaisir. Mais j'essaierai d'y aller un jour, y a pas de raison.

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  9. oui c'est une destination qui chamboule.... je te souhaite de voir ça !!

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